Se donner corps et âme : vraiment? (Article entier)
Se donner corps et âme, vraiment?
Ces collaborateurs dont toute entreprise rêve … Ceux qui se montrent enthousiastes, qui abattent beaucoup de travail, qui prennent des initiatives, qui donnent plus qu’à leur tour un coup de main … Vous voyez qui c’est dans votre entreprise?
Voici leur histoire possible…
Comme chacun d’entre nous en début de journée, Samir et Chloé (appelons-les comme cela) ont leur corps qui se prépare à affronter le premier stress du matin : se réveiller. Leurs glandes sécrètent les hormones nécessaires pour les aider à s’animer. Puis, imaginons un schéma classique de travail en journée: ils ont une première tranche de travail, où le corps continue à déverser les hormones nécessaires pour les aider à faire face et, vers 10h15, ils font une pause. Le niveau d’hormone redescend et se transforme, le corps se ressource un peu et hop, il est prêt à repartir. En route jusqu’à la pause de midi: le corps envoie les hormones qui permettent de faire face au stress et tout va pour le mieux. Voici le moment du déjeuner, mmmm, un bon break d’une heure, se changer les idées, rire un coup, se nourrir … le corps recharge ses batteries et c’est reparti pour l’après-midi, et ainsi de suite jusqu’au sommeil.
Le stress, une réaction normale du corps.
L’ennui, c’est que, comme ils sont enthousiastes et qu’ils prennent des initiatives, les autres personnes leur « proposent » de plus en plus de projets ou d’à côté. Cela semble logique! Tout le monde est content! Sauf qu’au bout d’un moment, qu’est-ce que Samir et Chloé font? Comme vous et moi, certainement : ils sautent une pause afin de pouvoir boucler tous leurs projets. Ou un autre jour si c’est nécessaire, ils mangent un sandwich vite fait devant leur ordinateur. Une autre fois, ils sautent la pause ET mangent devant l’ordinateur. Et ainsi de suite. Jusqu’à consulter ses messages en vacances, voire passer une demi-journée par jour de vacances, connecté avec le boulot. Et ça marche. Quelle économie de temps! Combien de travail on a pu abattre, du coup! Quelle joie de pouvoir faire plus dans le même temps imparti!
Sauf que, et voilà la limite à ne pas franchir, on se dit qu’on devrait faire ça tous les jours.
Alors pourquoi est-ce que ce corps, qui sait si bien nous aider à compenser une fois ou l’autre, ne veut pas le faire plus longtemps?
Tant que nous sommes dans un cycle stress-ressourcement, nous pouvons affronter de nouveaux défis, puisque nous avons ré-généré nos ressources. Ce qui se passe, c’est qu’en cas de stress, le corps accentue sa production de cortisol, hormone nécessaire pour faire face. Privé de pause, le corps ne peut activer le mécanisme de régulation hormonale. Au bout d’un moment, le cortisol agit comme un poison pour pour notre corps: nous attrapons tous les virus qui passent par manque d’immunité,
nous ne pouvons plus nous concentrer, nous avons des pertes de mémoire, notre perception spatio-temporelle est altérée. De ce fait, nous commençons à avoir des « presqu’accidents », comme freiner un peu trop tard et emboutir la voiture d’en face (heureusement il n’y a pas de dégâts, se dit-on) ou des incidents « stupides ». Ou par exemple se casser la jambe en descendant notre escalier habituel, par précipitation ou mauvaise appréhension des distances. Ou encore se retrouver en face de personnes à qui nous avons annoncé qu’il y avait deux points majeurs à notre réponse et rester tout-à-coup calé, en nous demandant de quoi nous pouvions bien être en train de parler à ces personnes qui, suspendues à nos lèvres, attendent cette annoncée deuxième partie à votre réponse. Ou encore, au moment de remplir un formulaire, nous n’avons plus aucune idée du mois dans lequel nous sommes. Et ainsi de suite. Nous sommes probablement en début- ou carrément en- burnout. Voilà, le mot est écrit.
Le burnout ce mot mal aimé. Et oui … Il faut savoir qu’une des caractéristiques du burnout, c’est le déni. « Moi, en burnout? Mais non c’est passager! », « Moi, en burnout? M’enfin, c’est le mot à la mode actuellement ou quoi??? », … Si l’entourage peut parfois percevoir que quelque chose ne va pas, la personne elle-même ne s’en rend pas compte. Elle est convaincue que c’est passager, que ce n’est pas grave. « De toute façon, ce n’est pas le moment. Je ne peux pas craquer ».
Il se peut parfois qu’elle écoute quand même et décide de se ressourcer comme avant: aller marcher en forêt, ou faire du shopping, ou encore autre chose qui lui faisait du bien. Et malheureusement, il arrive que ces moments qui la ressourçaient ne la ressourcent plus. Elle a suivi les conseils et est allée se ressourcer comme avant mais … il ne se passe rien. Et la personne de se dire que ces moments ne fonctionnent plus, alors « pourquoi gâcher du temps à y retourner alors que cela lui prend du temps et qu’elle a bien besoin de tout son temps car doit absolument finir ceci, terminer cela, … ». TENIR.
De plus, il arrive souvent que Samir et Chloé soient perfectionnistes. Raison de plus pour les autres de leur confier du travail, vu que c’est bien fait. Et raison de plus pour eux de ne pas lâcher: on compte sur eux. Malheureusement, à ne pas voir – et ce n’est pas leur choix conscient de ne pas voir, ils ne voient pas, tout simplement: on parle de cécité psychologique-, Samir et Chloé continuent encore plus fort. S’ils deviennent deux fois plus lents, ils feront deux fois plus attention. S’ils ne peuvent plus se concentrer, ils le feront en plusieurs fois. Ils tiennent. Parfois jusqu’à des extrêmes: Samir arrive devant la porte de son travail et, au moment de la pousser pour entrer, il se dit que ce n’est plus possible et retourne se coucher pour trois mois. Ou encore Chloé qui s’évanouit subitement et puis reste à la maison pour de nombreux mois.
Alors, ce qui nous fait stresser est très personnel et dépend d’une personne à l’autre. Certaines personnes abattent une quantité de travail considérable tout en pétant la forme! Elles ne sont pas stressées par ce qui nous stresse nous – et vice versa! Le stress peut provenir de tas de sources, dont par exemple, d’une différence entre ce que nous voudrions faire et ce que nous faisons : nous adorons notre métier mais plus dans les circonstances où il se produit actuellement. Ou encore, nous ne nous sommes jamais vraiment écoutés et en fait, nous voulons faire autre chose.
Une fois en burnout, nous vivons trois épuisements :
- un épuisement émotionnel (nous devenons irritables par exemple),
- un épuisement physique (cela peut prendre la forme d’une fatigue dont on n’arrive pas à se débarrasser),
- un épuisement intellectuel (un signe peut être de s’y reprendre à plusieurs fois pour lire une page alors qu’avant on lisait un livre par semaine).
Une fois en burnout, nous perdons notre empathie sur le lieu de travail : nous faisons preuve d’un détachement nouveau, il nous arrive d’être cynique ou tout à coup agressif ou encore avoir des comportements aberrants.
Une fois en burnout, nous perdons notre enthousiasme et notre satisfaction professionnelle : « avant, j’aimais mon travail mais là, dans ces conditions là … ». Pour ce dernier point, il est fréquent de se dire que c’est de notre faute, que nous avons changé, que nous ne savons pas nous adapter, que nous devrions encore aimer ce travail, etc.
Alors que le burnout peut être le symptôme d’un dysfonctionnement d’équipe.
En constatant tout cela, il peut être vite dit que nous entrons en dépression. Mais le burnout n’est pas une dépression, c’est un état de crise qui se limite à un domaine particulier, très souvent le professionnel.
Alors que faire si vous vous retrouvez un jour en burnout?
Pour s’aider à sortir de cette crise, il sera important d’aborder différentes dimensions.
- Tout d’abord, il est important de disposer d’un diagnostic médical accompagné d’un suivi avec un médecin informé – et lui-même non en burnout.
- Il s’agira de sortir du déni et de ré-apprendre à se connecter à notre humanité ; prendre conscience de notre « unité corps, cerveau, cœur » : les hormones les habitent tous et les influencent tous. La sophrologie, par exemple, aide beaucoup. Ou le mindfulness.
- Une fois que la personne a retrouvé suffisamment d’énergie, elle pourra bénéficier d’un suivi psychologique. Celui-ci va aider, entre autres, à revisiter certaines certitudes, celles qui ont contribué à nous emmener en burnout. Et nous aider à en choisir de nouvelles, plus adaptées à ce que notre vie est devenue.
- Ensuite, un suivi en termes de coaching va aider à mettre en pratique et dans le relationnel au travail, les nouvelles croyances adoptées en thérapie. Le coaching prépare ainsi le retour au travail (le même ou un autre).
- Enfin et aussi en premier lieu, la qualité de notre alimentation est une des bases fondamentales de l’énergie dont nous disposons.
Attention, nous ne sommes pas, en tant qu’individu, seul en cause en cas de burnout. Il y a aussi l’organisation dans laquelle on travaille. Y retrouve-t-on équité? Autonomie? Relations constructives? Charge de travail adaptée? Reconnaissance juste? Valeurs vécues et non écrites sur un panneau accroché au mur des couloirs? Vision présente et partagée? Règles du jeu claires? Bien que nous soyons un acteur du système, nous n’avons pas toute puissance à changer celui-ci si nécessaire.
Disposons-nous d’un réseau familial et social soutenant? Un partenaire, des amis, une famille? Est-ce possible d’avoir un équilibre professionnel et familial ou est-ce plus difficile comme quand je suis seul(e) avec mon enfant et isolé?
Et moi, suis-je enthousiaste, avec un sens aigu des responsabilités, une difficulté à dire non et un perfectionnisme quotidien?
Le burnout est un état de crise multi-factoriel.
Alors, pour ceux qui pensent qu’ils sont en burnout ou en passe de l’être, nous pouvons vous donner, suite à la conférence que nous avons organisée sur le sujet, des références de personnes spécialisées dans le domaine. Ainsi aurez-vous un vrai diagnostic et de suite les bonnes personnes autour de vous.
Pour ceux qui ne sont pas en burnout mais qui se savent passionnés, entreprenants, impulsifs, idéalistes, perfectionnistes, responsables ou n’osant pas dire non et qui veulent surtout veiller à ne pas entrer en burnout, nous proposons un atelier d’une journée ressources où nous vous aidons à identifier ce qui vous vide de votre énergie, ce dont vous avez besoin pour vous ressourcer et comment vous pouvez veiller à dire oui à ce qui vous convient et non quand vous souhaitez dire non, pour que vous puissiez poser des choix tant que c’est encore assez facile de le faire. Vous repartirez avec des pistes de ce que vous pouvez poursuivre comme démarche.
Si vous êtes célibataire, professionnel passionné, perfectionniste avec un sens aigu des responsabilités, que vous travaillez plus que de raison, avec votre famille loin de vous, que vous avez laissé tomber vos loisirs privés et que vous avez du mal à dire non … que vous vous investissez beaucoup, posez-vous la question « se donner corps et âme : vraiment? »
Source : conférence sur le burnout, tenue par Roger Ortmans et organisée par SoEssential le 15/09/2015 à Avin. Merci à Danielle Massart, médecin spécialisée entre autres en gestion du burnout et pair très appréciée, pour sa relecture attentive.