Un poulet ne se dégèle pas deux fois
Imaginez: une amie est très frileuse à l’idée de raconter une blague en public. Vous la titillez, vous lui dites qu’elle en est capable, que ce sera très bien et … petit à petit, elle devient moins froide voire carrément chaude à l’idée et elle se lance avec joie, en vous remerciant de l’avoir poussée à se dépasser! Et voilà que patatra, cela ne se passe pas bien. D’abord, personne ne l’écoute et puis, quelqu’un se rend compte qu’elle parle et fait taire tout le monde. A ce moment, elle est déjà à la moitié de la blague et ce faisant, personne ne comprend la fin. Quand elle arrête de parler, c’est le calme plat. Quelqu’un demande : “c’est fini?” et puis chacun retourne à ses activités. “Ah, c’est malin, merci l’amie”, fait-elle en tournant les talons. L’encouragement initial était bienveillant, pourtant. Il manquait juste d’un tout petit peu de précautions… Combien de temps faudra-t-il à son amie pour re-gagner sa confiance et l’inciter à nouveau à oser?
Ce concept, qui s’appelle en fait le concept des 3P, est issu de l’analyse transactionnelle : pour qu’une personne soit dans sa Puissance, elle a besoin de Permissions et en préalable, de Protection.
- La permission est en quelque sorte un encouragement donné par le manager/coach, qui va aider la personne à prendre des risques, à sortir du connu, à avoir d’autres perspectives, d’autres comportements que ceux qu’il maitrise et utilise régulièrement.
- La protection, c’est la réflexion sur ce qu’il est nécessaire de faire pour se mettre dans une situation qui permette la réussite et évite une prise de risques inutiles quand on ose quelque chose de nouveau (ex.: poser une limite à un collaborateur, faire une demande à un hiérarchique, exprimer une émotion).
- C’est par l’exercice de ces nouveaux comportements que la personne va changer et acquérir sa propre puissance, sa capacité à aller de l’avant, à maitriser des situations nouvelles. La puissance est le résultat d’un sentiment interne de sécurité et de la conscience de ses ressources.
Illustration en entreprise
Si un manager donne à son collaborateur la permission de prendre des initiatives et met comme protection que le collaborateur ne sera pas sanctionné en cas d’erreur du moment où il a respecté les règles X, Y et Z de l’entreprise, alors le collaborateur peut expérimenter l’exercice de nouvelles compétences dans ce cadre sécurisé. S’il se trompe, il apprend et recommence. Par contre, si le manager ne met pas de protection et que, suite à une erreur dans la prise d’initiative, le collaborateur est sanctionné, alors celui-ci est coupé dans son élan et risque de ne plus prendre à nouveau des initiatives, vu que c’est plus dangereux que de ne rien faire. Une manière de mettre les protections nécessaires est de délimiter le champ d’action dans lequel le collaborateur est invité à prendre des initiatives. Cela permet également au manager d’ouvrir le champ au fur et à mesure de la confiance qu’il a envers son collaborateur, ainsi que de le recadrer en cas de non-respect du cadre.
Illustration dans l’éducation
Avant de proposer à son enfant de s’exercer au vélo à deux roues, l’adulte veillera à mettre en place les protections nécessaires par rapport aux aptitudes de l’enfant (par exemple tenir le vélo et courir derrière, soulever une des petites roues plutôt que les retirer, faire rouler dans l’herbe). L’enfant qui trébuche sans se faire trop mal peut garder l’envie de ré-essayer. Jusqu’à y arriver. L’enfant qui se blesse très fort risque d’attendre avant d’essayer à nouveau?
Illustration en coaching
Deux exemples (extraits de Coacher avec l’Analyse transactionnelle – Ed Eyrolles) :
Clarence en est à son troisième entretien de coaching, et Lucie, son coach a l’impression qu’elle ne lui fait pas réellement part de ses difficultés. Elle prend donc le temps, après un échange sur les nouveautés apparues dans le mois, de lui poser la question de ses inquiétudes éventuelles par rapport au coaching. Clarence raconte alors qu’elle a peur que les faiblesses dont elle pourrait faire preuve au cours du coaching soient remontées à la DRH, sachant sa situation assez fragile. Lucie donne à Clarence la protection nécessaire, en lui rappelant son engagement de confidentialité, en lui ré-expliquant la manière dont les restitutions seront réalisées. Elle lui rappelle ensuite combien chacune des personnes a des faiblesses et que celles-ci ne sont que les facettes de futurs points de compétence (permission à exprimer ses faiblesses), le reste de la séance permet d’avancer sur la problématique de management pour laquelle Clarence est venue (Clarence développe alors sa puissance).
Marine est venue pour s’autoriser à parler en public. Au cours des séances, la stratégie de son coach consiste à identifier de quelle permission elle a besoin pour pouvoir parler en public, puis à rechercher avec elle des exercices et des situations adaptées à l’apprentissage, enfin à l’aider à prendre conscience des chacune des étapes franchies et à les marquer par des signes de reconnaissance adaptés. Marine au bout de quelques séances est capable de parler en public sans rougir, ce qui était son objectif de départ (elle a atteint le degré de puissance nécessaire). Pour son coach, plusieurs permissions ont été données tout au long de l’accompagnement, chacune faisant suite à l’identification d’une croyance : – c’est ok de prendre sa place comme cadre, même si elle n’a pas encore l’expérience « complète » du poste, – c’est ok de prendre le temps de réfléchir et d’avoir des notes pour parler en public, – c’est ok de ne pas avoir réponse à tout, de reporter une réponse à plus tard, – chaque personne a un droit de suite, lorsqu’une personne ne sait pas comment répondre à une interrogation ou à une interpellation, ou lorsqu’elle est blessée par une remarque, même si elle ne sait pas répondre immédiatement, c’est ok qu’elle aille voir la personne plus tard pour reparler de la situation. – c’est normal d’avoir de l’anxiété avant un moment important pour soi, avec des enjeux, c’est ok d’utiliser des techniques de gestion du stress, c’est ok de savoir quoi faire si la situation se dégrade. Face à ces permissions, Michel a exploré avec Marine, les besoins en protection : que peut-elle faire pour éviter de se mettre en difficulté, pour tester petit à petit ses nouvelles attitudes, pour élaborer une stratégie de développement de sa puissance.
La bonne nouvelle, c’est qu’on peut se faire les 3P à soi tout seul :
- j’ai envie d’oser 😉 – ma permission
- au pire, qu’est-ce que je risque? quels actions prendre pour gérer ce risque? – mes protections
- allez, c’est partiiiii – la puissance arrive !