Comment l’emprise se met en place: un exemple de dialogue
Dans le livre « Il était une lettre », un passage illustre très bien comment une emprise se joue, entre un homme et son épouse. Le pitch: c’est le premier soir de leur re-prise de vie commune, après une séparation. Madame rentre à la maison, un peu plus tard qu’à leurs anciennes habitudes.
- Monsieur: « J’ai cru que tu avais changé d’avis …»
- Monsieur a visiblement eu peur que son épouse ait changé d’avis. Maintenant qu’il réalise que ce n’est pas le cas, il devrait en toute logique être soulagé. Et heureux de voir son épouse rentrer. Il pourrait même lui faire encore plus la fête et ils goûteraient leur bonheur à tous les deux, pourquoi pas.
- Au lieu de cela, il lance son émotion sous forme de reproche. Il ne pose pas de question. Il propose le poids de son émotion à sa femme, avec un ton accusateur : « si j’ai mal, c’est à cause de toi! ». Ceci est bien sur faux. S’il a mal, c’est parce qu’il interprète le retard de Madame d’une manière qui lui a fait peur et qu’il ne sait pas gérer sa peur. Mais il lance une perche. A voir si Madame va la prendre.
- « Je suis sincèrement désolée, je suis allée boire un verre et …»
- Malheureusement, Madame prend la responsabilité de l’émotion de Monsieur.
- Elle aurait pu lui répondre, par exemple: « Mon chéri, j’entends que tu as eu très peur! Et en même temps, je ne reviens pas sur ma parole, je suis allée boire un verre. Je vois que tu t’es fait tout un film, seul ici à la maison. Je suis là, maintenant. Allons-nous manger? ».
- Mais non, ce n’est pas ce qu’elle fait. Au contraire, elle donne le signal qu’elle est d’accord avec Monsieur.
- Comme elle prend la responsabilité de l’émotion de Monsieur, cela rend l’approche de Monsieur légitime et il poursuit dans sa direction, en la repoussant.
- « Elle sentit les premiers signes de panique lui serrer le ventre »
- Madame perçoit un signal de son corps: c’est précieux! Elle pourrait se demander pourquoi elle a peur, réaliser qu’il n’est pas normal de ressentir cette émotion au contact de son mari. Qu’il n’est pas normal de ressentir de la peur parce son mari a quelque chose qui le contrarie.
- Mais non, elle ne lui donne pas de signification, à son ressenti. Elle sent et ne décode pas. Elle s’enfonce même dans la justification. A se demander si elle n’interprète pas sa propre peur comme validant le reproche de son mari. Elle a peur « parce qu’il a raison de la gronder: elle a fait une bêtise ».
- « Je ne pensais pas que ce serait trop te demander … »
- Il poursuit reproches et culpabilisation.
- Elle propose de manger.
- Retour à une situation constructive, ouf. Mais pas de chance, il a jeté le repas.
- A aucun moment, elle ne pense que c’est une réaction disproportionnée. A aucun moment, elle ne parle de gaspillage. A aucun moment, elle ne trouve cela dommage qu’il ait gâché un bon moment. Ce n’est même pas présent dans son esprit. La façon de penser de Monsieur prédomine sur les deux personnes, son système de croyances à lui est le seul valable.
- « J’ai peut-être été égoïste »
- Madame réfléchit à ce qu’il s’est passé et se remet en cause, à tort. Il lui a proposé le système où il a mal à cause d’elle et elle le valide.
- « Rick, je suis désolée. Tu veux bien me pardonner?
- La pardonner de quoi? Elle s’excuse qu’il ait eu une émotion, qu’il n’ait pas su la gérer, qu’il ait jeté le repas, elle s’excuse de toute cette situation qui ne lui appartient pas. Elle lui donne son accord pour l’emprise
- « Je suis déçu, Tina, c’est tout. Je croyais que c’était ce que tu voulais … Mais si tu ne peux même pas te donner la peine d’être à l’heure, je me demande si c’est vraiment ce que tu veux. »
- Ils n’ont convenu d’aucune heure à laquelle rentrer, mais cela passe dans la conversation comme si c’était le cas. De nouveau, Madame semble accepter ce fait. Puis, Monsieur met les intentions de Madame en doute.
- « Mais bien sur que si! Je veux qu’on soit tous les trois une famille … » Son menton trembla, sa voix se brisa
- Elle accepte de devoir justifier de son intention alors que c’est lui qui en doute. A ce stade, c’est encore lui qui a le doute, pas elle. C’est lui qui a un problème, elle elle connait ses propres intentions.
- De plus, elle lui donne la preuve qu’elle est sensible à être mise en cause sur ce point. C’est un principe sur lequel il pourra à nouveau s’appuyer dans le futur puis lui reprocher des comportements « toi qui veux que nous soyons une famille, tu pourrais … »
- « Dans ce cas, il faudrait que tu fasses preuves d’un peu plus d’engagement … »
- Il en rajoute une couche et exige des actions de sa part. Alors qu’il n’y a aucune raison pour que ce mari puisse exiger des comportements précis de la part de sa femme.
- « C’est promis, Rick, excuse-moi »
- Elle entre dans un système d’obéissance, de peur, d’abnégation, prenant sur ses épaules le malheur de la situation, précipitant son estime d’elle-même vers le bas.
- « Tu es gentille, dit-il en la prenant par les épaules. ».
- En l’espace d’une seconde, il changea d’humeur et lui sourit.
- C’est lui qui maintenant la définit.
- « Si tu faisais un saut à l’épicerie? C’est le moins que tu puisses faire, non? »
- Il la commande. Tout est en place.
- Elle est même soulagée car elle peut se racheter.
- Un peu plus tard, elle se félicita d’avoir pris la bonne décision. « Rick lui avait fait comprendre calmement son erreur au lieu de la battre ». Elle est trompée : les gens pouvaient bel et bien changer.
- Waouh. Comment on se raconte des histoires
- « Tina, demain je voudrais que tu démissionnes de ton travail »
- Il resserre son emprise. Elle démissionne Plus de contacts sociaux, plus de sous! Le piège est bien refermé, avec deux joueurs.